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EAU DE JOUVENCE

— Ce doit être celle-là, chuchota Emmerich à l’oreille du Bohême, en désignant une dame vêtue de pied en cap de velours noir, agenouillée au premier rang et lisant des prières dans un gros livre d’heures. Tu vois celle avec le grand voile noir.

— C’est elle-même, confirma Czernin.

— Une femme qui n’a pas sa pareille, murmura Emmerich après être resté quelques instants plongé en contemplation.

La Comtesse, telle qu’on la voyait agenouillée, paraissait, en effet, une femme d’une beauté rare, de celles qui inspirent l’admiration et l’enthousiasme plus que la passion et le désir torturant. Son visage noble et fin aux couleurs délicates, de la plus radieuse jeunesse et encadré de tresses noires, semblait, quand elle tenait ses longs cils baissés, un vrai visage de sainte. L’épée de Stahremberg résonna sur les dalles et elle leva les yeux sur les jeunes gens. Rien qu’un instant, mais déjà elle leur parut autre. Ses grands yeux bleus se teintaient, sous les longs cils, d’une ombre inquiétante, et son regard n’avait plus rien de la douceur exprimée par les traits du visage. Il était dominant et froidement calculateur, et il y avait