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LA PANTOUFLE DE SAPHO

adorateur de la Stich ; il savait toujours, à n’en pas douter, quel soir Korn était plus rauque que de coutume et en quel lieu il avait bu le champagne responsable, et, lorsqu’enfin Sophie Schrœder monta, tel un soleil, au firmament de l’art dramatique, faisant pâlir toutes les étoiles, il ne tomba pas une épingle dans le boudoir de la tragédienne sans que le Tout-Vienne en fût informé, depuis le chancelier d’État jusqu’à l’apprenti cordonnier, depuis le cocher de fiacre jusqu’à l’empereur.

L’intérêt que prenait la ville entière à la personnalité de Sophie était de nature exclusivement artistique, bien que partant d’un sentiment très humain, car la Schrœder n’était ni belle ni même élégants.

Mais, quand elle paraissait drapée à la grecque, sur les planches, quand sa superbe voix laissait tomber les ondes mélodiques de la langue rythmée, quand son génie invoquait des figures d’une vérité saisissante et d’une dignité surhumaine, elle entraînait les cœurs, comme jamais aucune artiste ne l’avait fait. À ces moments, elle devenait belle, d’une beauté antique et qu’on eût crue sortie d’un sarcophage ancien.

Sophie n’était pas grande, mais elle avait ce port