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LA JUDITH DE BIALOPOL

Le staroste fit appeler l’hébreu lequel, apercevant sa femme en parure chez le staroste, les regarda tous deux d’un air de soupçon. En apprenant les intentions de Judith, il commença par déclarer qu’il n’y consentirait jamais ; puis, comme la vaillante femme se montrait inébranlable, il se mit à pleurer de rage, en se jetant à ses pieds et embrassant ses genoux. Ses lamentations la laissèrent insensible.

Alors il voulut menacer et maudire ; sa femme lui coupa la parole :

— N’ai-je pas toujours été une épouse loyale et fidèle ?

Abrahamek acquiesça.

— Aie donc encore confiance en moi.

— Non, non, je ne te laisserai point partir, cria le juif. Si le pacha te voit, je te perds à jamais. Je connais les femmes, tu seras flattée de le dominer, de le voir, comme un esclave, à tes pieds. Non, tu ne sortiras pas de la ville.

Cruellement mortifiée et blessée par le manque de confiance de son époux, la belle et audacieuse femme le toisa d’un regard méprisant et, se tournant vers le staroste, lui dit fiévreusement :

— Quand le salut de toute une ville est en jeu