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LA JUDITH DE BIALOPOL

tu n’as rien à craindre. Si la ville est prise par les croyants d’Allah, tu marcheras encore la tête haute, car tu es belle et prudente. Pare-toi de tes plus beaux habits, afin que notre chef jette sur toi ses regards et t’emmène vers le Levant où il n’est point d’hiver et où Dieu comble son peuple élu des dons les plus magnifiques de la nature. Tu y connaîtras une tout autre existence qu’ici dans la neige et le brouillard.

— La vie d’une esclave, fit Judith avec dédain.

— La vie d’une souveraine, reprit l’esclave, d’une reine servie par des esclaves.

La juive se redressa brusquement et considéra son prisonnier d’un regard scrutateur.

— Ne te trompes-tu pas ? fit-elle tout bas. Es-tu sûr que ton maître, le pacha, me verra d’un œil complaisant ?

— Il sera ton esclave, le jour où tu le voudras.

— Est-il jeune ?

— Jeune, beau et vaillant. Des richesses incommensurables remplissent sa maison, et plus de mille esclaves lui obéissent.

— Bien, dit-elle, très bien, — un sourire éclaira son pâle et triste visage, — veux-tu mériter ta liberté et une riche récompense ?