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LA JUDITH DE BIALOPOL

tour, ne faisaient point merci et massacraient tout ce qui leur tombait sous la main.

Au milieu de la mêlée, un Turc allait frapper Abrahamek. La belle Judith, n’ayant point d’arme à sa portée, lui jeta du sable dans les yeux. L’arme du soldat dévia, Judith la lui arracha, lui jeta un lacet autour du cou, et le fit prisonnier.

Des cris de victoire retentissaient de tous côtés. Il n’y avait plus un Turc sur les remparts, l’ennemi était battu sur tous les points. Alors, seulement, Abrahamek s’aperçut du butin de sa femme.

— Que veux-tu faire de ce chien de Turc ? lui cria-t-il, abattons-le.

Les lances et les sabres étincelèrent sur la poitrine du malheureux qui s’était laissé tomber aux pieds de Judith, et celle-ci, aussi magnanime dans la victoire que sanguinaire et impitoyable dans la lutte, cria :

— Que personne ne le touche ! C’est mon captif, il m’appartient.

— Elle a raison ! firent plusieurs voix, elle se l’est bien gagné, qu’il soit son esclave !

La belle Judith lia les mains de son prisonnier et l’emmena comme un chien.