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LA JUDITH DE BIALOPOL

Le 7 novembre au matin, un paysan à cheval apporta la nouvelle de l’approche de l’ennemi.

La ville de Bialopol était à tel point bondée de fugitifs, qu’il eût été impossible d’en laisser pénétrer un de plus sans exposer la ville au plus grand danger. Aussi ferma-t-on les portes et plus personne ne fut admis. Une foule de malheureux de tous rangs, arrivés après la fermeture, se blottirent au pied des murailles : des magnats signalés par la somptuosité de leur contousch, de belles jeunes femmes en pelisse de martre brodée d’or ; des paysans pieds nus, vêtus de toile ; des juifs en caftans noirs. Leurs cris, leurs plaintes et leurs lamentations déchiraient le cœur des habitants de la ville ; le staroste demeura inébranlable.

Il y était contraint, sous peine de livrer la ville entière au sort misérable qui attendait les malheureux sans abri.

Lorsque ceux-ci comprirent qu’ils n’avaient rien à espérer, une partie d’entre eux se réfugièrent dans les forêts voisines, tandis que les autres, massés aux portes de la ville, attendirent avec une sorte d’indifférence stoïque leur destin.

À l’entrée de la nuit, on vit s’élever à l’horizon les flammes d’une vingtaine de villages incendiés.