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LOUP ET LOUVE

— Comment s’appelle votre dame ?

— Loba, châtelaine de Gabaret,

— Oh alors, en effet, vous êtes plus à plaindre que sous la discipline, et le ciel considérera votre service auprès de la belle louve comme une expiation parfaite.

— Et vous ? demanda Vidal en se tournant vers son hôte, un grand péché vous accable-t-il, que vous preniez sur vous une si lourde croix ?

— Je ne puis l’affirmer, quoiqu’à vrai dire, qui donc est libre de tout péché ? Le sang injustement répandu ne souille pas mes mains, si vous voulez, et ni le bien étranger ni la vie d’autrui ne chargent ma conscience ; la connaissance du néant de toute chose m’a amené à renoncer aux vanités, à ne vivre qu’au service du Créateur et à vouer mes forces à son culte. Regardez-moi, je suis chevalier et j’ai été, comme vous, chanteur. Mon nom est Aimeric de Rivalin. Près de la Loire, s’élève fièrement mon château. J’ai rompu mainte lance au jeu frivole des tournois et sur les champs de bataille. J’ai rendu hommage aux dames et la plus belle a partagé ma couche nuptiale, une femme semblable à la fiancée du cantique dont le saint roi Salomon dit que ses