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LOUP ET LOUVE

préférence, aimer la petite au suave parfum. Il lui jetait la caresse de ses rayons les plus ardents et s’entretenait secrètement avec elle, jusqu’à ce que la fleur, éprise d’amour insensé, se mit à espérer et que son âme monta vers l’astre vermeil, en un parfum enivrant. Il arriva qu’un jour l’ortie, qui se tenait méprisée à l’ombre, dit à la violette : « Tu crois que le soleil t’aime ? Le soleil aime le rouge gueule-de-loup, qui fleurit en pleine prairie, princesse des fleurs ; avec toi, il ne fait que s’amuser, comme avec tant d’autres. » Et la violette reconnut que c’était la vérité. Elle quitta son modeste abri et se retira plus loin, dans l’ombre de la profonde forêt, où jamais le regard du soleil ne pénètre. Elle ferma tristement son calice et y ensevelit son doux parfum. Les choses en étaient là, quand vint la nuit.

» Alors que toutes ses sœurs dormaient, la violette entr’ouvrit ses pétales. Le soleil était couché. Un silence profond régnait tout alentour. Soudain, une douce lumière se répandit et la lune monta, dans toute sa splendeur argentée. La violette tressaillit et s’effraya, mais la douce sœur de l’orgueilleux soleil la salua à travers les branches, de son sourire le plus tendre, et lui dit :