Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
LOUP ET LOUVE

Eh bien, toute femme est ainsi une fleur miraculeuse dont l’épanouissement est de courte durée, dont la vie et l’amour se flétrissent de bonne heure. Une chose peut la sauver et la rendre immortelle — le chant du poète — la poésie. Le luth accordé pour elle, honore la femme mieux que l’épée de chevalier brandie en son honneur, et, non seulement le chant est incomparablement plus efficace à répandre la gloire de sa beauté et de ses vertus, mais plus à même aussi, quand cela est nécessaire, de la défendre et la protéger.

— Ce dont mainte dame a grand besoin.

— Eh bien, oui, je ne le nie point, concéda Loba avec un fin sourire. J’ai fait usage de ma liberté et joui largement de ma jeunesse en fleur.

— Ce n’est pas là ce qu’on te reproche. Mais on te dit sans cœur, on accuse ta cruauté à attirer les hommes et à les séduire pour, ensuite, les laisser languir, ou leur imposer des épreuves qui sont de véritables affronts.

— Possible, s’écria la jeune femme en rejetant sa crinière d’un mouvement de défi. Mais qui donc leur commande de rechercher mes faveurs ? Seul, un loup peut prétendre à la louve. Mais qu’il sache bien que non seulement je suis cruelle