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LOUP ET LOUVE

plume de corbeau, la posa entre les feuillets d’un gigantesque in-folio et se dirigea vers l’embrasure de la fenêtre voûtée, pour jeter un coup d’œil au dehors. Il constata aussitôt que ce n’était point un seigneur qui passait aussi fièrement, mais un de ces manants que l’art du chant avait ennoblis et à qui la harpe et le luth ouvraient les hautes salles des demeures féodales et les appartements des dames, un troubadour et son musicien appelé jongleur. Le passant confirma l’impression du moine en se retournant sur sa selle, se dressant sur ses étriers et, saluant de la main le pâle ascète, lui lança un air de sa façon :

Celui-là est mort dont le cœur ne bat plus,
Vie sans amour n’offre que déplaisir.

Le moine regarda devant lui, rêveur, et suivit longtemps des yeux son chanteur, qui continuait sa route en riant, tandis que le jongleur, en un accès de juvénile espièglerie, ajoutait quelques vers à l’improvisation de son maître, raillant à son tour le vénérable disciple de saint Benoît,

Tant que les cheveux sont encor bruns ou blonds,
Que le cœur bat vif et plein de confiance,
Il sied mal de faire le sage.