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LA FONTAINE AUX LARMES

— Tu ne m’as plus demandé si je t’aimais, commença-t-elle, je veux te répondre aujourd’hui, sans en être priée. Je t’aime.

— Tu m’aimes ?

Il l’enlaça de ses bras, et leurs lèvres, pour la première fois, s’unirent en un baiser qui semblait ne devoir plus prendre fin.

— Sais-tu, mon bien-aimé, reprit-elle avec une sombre gravité, que ce baiser t’a voué à la mort ? Je veux être à toi et te donner autant de bonheur que je pourrai ; mais l’heure viendra, où nous serons découverts, et où il te faudra payer ce bonheur de ton sang.

— J’y suis prêt de toute la joie de mon âme. Sans toi, la vie n’est qu’une mort. Je veux m’ensoleiller de tes faveurs comme d’une lumière céleste, et puis… que la nuit vienne, si Dieu veut.

— Prends-moi donc, dit-elle. J’accepte le don de ta vie comme prix de mon amour. Sois heureux entre mes bras, et, s’il le faut, meurs de mon amour !

Se penchant, elle l’attira avec une fougueuse tendresse, contre son sein qui, sous l’hermine, se souleva comme une vague brillante à la clarté de la lune.