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LA FONTAINE AUX LARMES

nière, elle règne dans le palais, et Kerim Gireïs tremble devant un froncement de ses sourcils, plus que devant l’armée de la czarine russe ou d’une horde de Circassiens.

Il revient encore auprès d’elle.

— Tu as pleuré cette nuit, dit-il à voix basse. Je t’ai entendue et je n’ai point fermé l’œil jusqu’au jour. Que manque-t-il à ton bonheur ? Je t’aime, comme je n’ai jamais aimé encore. N’es-tu pas entourée d’un luxe royal ? Te reste-t-il un désir à remplir ? Tous ceux qui obéissent à Kerim Gireïs ne sont-ils pas tes esclaves ? Ai-je une autre pensée que d’écouter tous tes caprices, comme des commandements de mon Dieu ? Tu es injuste envers moi, Marie.

— Tu m’aimes, Kerim Gireïs, répond-elle doucement, comme un musulman aime une esclave. Dans ma patrie, la femme est libre et, librement, accorde sa faveur à l’homme, qui est comme un esclave à ses pieds. Ô ma patrie ! Ô mes parents ! Je ne vous reverrai jamais, jamais !

Et elle se met à sangloter.

Le Khan se jette à genoux et lui baise les mains.

— Ne suis-je pas aussi ton esclave ? N’aurais-tu