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LA FONTAINE AUX LARMES

sant les bras sur ta poitrine et en touchant la terre de ton front.

Le Polonais se conforma docilement aux ordres de son maître. Il puisa de l’eau, arrosa les rosiers, les myrthes et les petits amandiers qui poussaient autour des monuments funéraires surmontés du croissant et couverts d’inscriptions arabes, à l’ombre de hauts peupliers se dressant vers le ciel comme de verdoyantes colonnes. Il était occupé à remplir à nouveau les arrosoirs, lorsque le moullah, vêtu de blanc, s’approcha de la fontaine, y lava avec une lenteur recueillie son visage, ses pieds et ses mains et, tirant un grand chapelet de sa robe, se dirigea vers la mosquée. Quelques instants plus tard, sa voix retentit du haut du minaret, proclamant d’un ton solennel :

— Seul, Allah est Allah, et Mahomet est son prophète.

Bientôt, le Khan lui-même, accompagné des gens de sa suite somptueusement vêtus et de l’eunuque, sortit du palais et traversa la cour. C’était un homme d’une quarantaine d’années, d’une étrange et sauvage beauté. Comme tous les Orientaux de son âge, il était un peu corpulent, ce qui,