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LA FONTAINE AUX LARMES

on aperçoit, sur le jeune homme, puis continue sa route vers la mosquée. Des paysans vêtus d’une longue tunique brune en poils de chameau au col relevé droit, de larges pantalons bouffants et de souliers à nœuds, un bonnet de fourrure sur les cheveux, d’autres en longs manteaux à capuchons velus qui leur donnent un air de moines, marchent, la pipe à la bouche, à côté de leurs petits chevaux au poil ébouriffé. Deux bergers accompagnés par des molosses, mènent leur troupeau de bêtes à cornes. Ils portent une longue houlette de bois avec un crochet au bout, et soufflent sur leurs flûtes un air agreste et mélancolique. Un grand chariot à deux roues, traîné par des chameaux, les suit. Un petit homme gras, aux yeux noirs qui menacent de disparaître dans la graisse, au bonnet en forme de citrouille et à la longue tunique cousue de soie rouge, s’y prélasse, et de sa longue pipe, exhale des spirales bleues.

Sitôt qu’il aperçoit la denrée humaine étalée sur les nattes de jonc, il arrête son équipage et commence à marchander avec le vieil hébreu. Le Polonais attire son attention. Prudemment, il éprouve d’un air compétent les muscles de ses bras et hausse les épaules avec mépris.