Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
LA FONTAINE AUX LARMES

Retournons d’un siècle en arrière. En Russie, règne la czarine Elisabeth, la plus belle femme de son empire, et, au palais de Baktschisaraï, le Khan Kerim Gireïs se repose, sur des coussins moelleux, de ses meurtres et de ses pillages. À la frontière polonaise, des brigands tartares ont capturé un gentilhomme. Ils l’ont attaché à la queue d’un cheval et emmené dans leur pays. Pour la première fois, l’adolescent, surpris, considère le féerique enchantement du Midi, les hautes montagnes au flanc desquelles s’accrochent, telles des ruches d’abeilles, les huttes tartares aux toits plats, et d’où s’élève la verdure foncée des forêts de mûriers, de platanes et de noyers ; il voit les pics chauves des clairs rochers luisant au rayon du soleil d’un reflet de couleur chatoyante, les douces pentes plantées de vignes, les vallées remplies de l’or des moissons, les villes grouillantes de populations, dominées par les étincelantes coupoles des mosquées, par-dessus, le ciel bleu sans nuages et, plus bas, l’infini bleu de la mer.

Les brigands emmènent leur prisonnier à