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LA PANTOUFLE DE SAPHO

— Grillparzer était poète dans l’âme et c’est du fond de son être qu’il tirait ses héros — mais, pas plus que le reste du monde, il ne pouvait échapper à la puissante influence de la Schrœder, ni se dérober à l’impression grandiose qu’elle produisait, et le rôle de son héroïne avait pris, à son insu, les traits et l’allure de la tragédienne à qui naturellement il incombait.

Le matin de la répétition de lecture, tandis que la pure et idéale diction de Sophie enthousiasmait ses camarades et remplissait le cœur modeste de l’auteur d’un glorieux espoir dans [un] succès futur, au coin de la place Saint-Michel et du marché aux choux, se tenait une femme pauvrement vêtue, qui cachait son visage sous le fichu passé sur sa tête. Elle semblait avoir honte, pourtant elle ne mendiait point et se serrait, inquiète, contre la muraille, en tremblant de tous ses membres, car il faisait un froid impitoyable et elle ne portait qu’une robe d’été rapiécée sous son vieux fichu.

Pourtant elle ne mendiait point. Elle n’essayait même pas de tendre la main quand un grand seigneur ou une élégante dame, confortablement emmitouflés de fourrure, passaient au-