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XV

LA MÉDECINE DES BORGIA

N’attends pas de pitié de moi.
CALDERON.

Quand Sergitsch eut quitté Dragomira, elle se jeta à genoux dans le jardin, sous la voûte du ciel libre, et elle pria ; puis elle se releva et revint vers la maison, bien décidée à exécuter l’ordre qu’elle avait reçu. Quand elle rentra dans la chambre de la malade, ses joues colorées par le froid semblaient brûlantes ; sur ses traits sévères se lisait toute l’énergie d’un fanatisme impitoyable, et ses yeux d’ordinaire si froids brillaient d’un éclat étrange.

Elle dit à la vieille d’aller se reposer, ferma la fenêtre, tira les rideaux et s’assit auprès du lit de la malade.

« Madame Samaky, dit-elle.

— Oui… qu’est-ce qu’il y a ?… Ah ! c’est vous. Où étiez-vous donc ?

— Le médecin était là.

— Ah ! qu’est-ce qu’il a dit ?

— Il a apporté une nouvelle médecine.

— À quoi bon ? Il ne peut rien faire pour moi.

— Vous voulez dire qu’il ne peut pas vous enlever le péché qui oppresse et torture votre conscience.

— Que sais-tu à ce sujet, jeune fille ? murmura la malade en serrant le poignet de Dragomira. Était-il là ? L’as-tu vu ?… Non, il n’apparaît qu’à moi, quand je suis seule.

— Lui ? Celui qui à reçu la mort de vos mains ?

— Je le vois bien, tu sais tout. Oui, c’était moi… Je l’ai tué, et maintenant il me fait mourir en me chuchotant à l’oreille