faire la connaissance de Soltyk ; c’est un homme dangereux, mais intéressant.
— J’ai entendu beaucoup parler de lui.
— On vous en a dit beaucoup de mal ?
— Oui, beaucoup de mal.
— Et pourtant, vous précisément, ce me semble, vous sympathiseriez avec Soltyk. Si différents que vous soyez tous les deux, vous avez un trait commun de caractère, l’orgueil et le mépris du monde.
— Je ne suis pas orgueilleuse.
— Pourtant…
— Oh ! vous ne vous doutez pas combien je puis être humble.
— Devant Dieu, peut-être.
— Devant les hommes aussi, quand ils vivent et agissent selon l’esprit de Dieu.
— Vous croyez donc sérieusement que l’on peut forcer la destinée par le sacrifice, le renoncement, les bonnes œuvres ?
— Non, je ne le crois pas ; on peut seulement obtenir la grâce de Dieu et la vie éternelle. Tant que dure notre pèlerinage sur cette terre, nous devons accomplir la destinée pour laquelle nous sommes faits.
— Vous êtes fataliste.
— Oui et non. Je ne crois pas que rien arrive sans la volonté de Dieu.
— Alors, le sang qui coule à torrents n’est versé que parce que c’est la volonté de Dieu.
— Oui.
— Vous ne pouvez pas penser cela sérieusement.
— Je veux vous le prouver et entrer aujourd’hui même au milieu des animaux féroces, quoique je ne sache pas comment on les dompte. Je suis sûre qu’ils ne me déchireront que si ma destinée est d’être déchirée.
— Ce serait défier Dieu. »
Cette fois Dragomira ne répondit pas, et la conversation prit un autre tour. Quand il fut temps de partir, Sessawine s’empressa d’envelopper Dragomira dans son vêtement de fourrure. Il lui prit ensuite le bras pour la conduire, à travers les rues éclairées et animées, sur le champ de foire. C’est là que se trouvait la célèbre ménagerie dans une vaste construction en bois. La représentation était finie. Il ne restait plus que quelques rares flâneurs et gamins arrêtés devant