un talent supérieur pour exercer nos fonctions. Leur instinct, leurs pressentiments font souvent plus que toute la logique et tous les calculs du monde.
— Alors prenez-moi comme agent.
— Avec plaisir, s’écria Bedrosseff en riant, et il lui baisa de nouveau la main.
— Aujourd’hui, j’aimerais bien, pour ma part, mettre un peu votre omniscience à contribution.
— Ordonnez. »
Dragomira tint en l’air le portrait de Soltyk.
« Qui est-ce ?
— Le comte Soltyk, dit Bedrosseff immédiatement. Comment avez-vous sa photographie ? Le connaissez-vous ?
— Non, je me promenais dans la ville, et je l’ai achetée parce qu’elle m’a plu.
— Vous n’êtes pas la première jeune dame qui se laisse éblouir par ce sultan, continua le commissaire de police ; mais je vous en prie, restez-en à cet enthousiasme pour son image et gardez-vous bien de faire la connaissance de l’homme.
— Je ne m’enthousiasme pas pour le comte, je m’intéresse seulement à lui.
— Cela même est dangereux. Soltyk est une nature à la Néron, un despote, un don Juan, un être animé du plus brutal égoïsme, sans cœur, sans égard pour rien ni personne, sans pitié.
— Vous nous donnez là une étonnante mesure de sa moralité.
— Je lui ai déjà arraché plus d’une victime, et j’ai l’œil sur lui. Vous ne devez pas faire sa connaissance, ce serait votre perte.
— Oh ! j’ai beaucoup de sang-froid ; il ne me prendra pas dans ses filets.
— Alors vous seriez la première femme qui lui aurait résisté. »
Dragomira dîna avec Bedrosseff dans un des premiers hôtels ; elle jugeait bon de se faire voir avec lui. Après le dîner il prit une voiture et lui fit voir la ville. Quand il commença à faire sombre, Dragomira était rentrée à la maison, et elle attendait Zésim qui ne tarda pas à venir. Cirilla joua le rôle de la tante et prépara le thé, quand Zésim lui eût été présenté. Le samovar chantait en bouillonnant, les jeunes