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LA PÊCHEUSE D’AMES.

— Elle est venue chez toi, au cabaret Rouge ?

— Oui.

— Pourquoi y venait-elle ?

— Elle s’y est rencontrée avec différents messieurs.

— Avec Pikturno et Soltyk ?

— Je crois… oui.

— Tu savais que c’est une Pêcheuse d’âmes ?

— Non, aussi vrai que Dieu m’entend, je ne l’ai pas su.

— Tu mens. Tu connais aussi les autres. Tu sais que Mlle Henryka Monkony appartient également à cette secte sanguinaire. Tu connais les associés ; tu connais leurs repaires. Allons, avoue !

— Je ne sais rien. Je connais Mlle Henryka, voilà tout.

— Où se trouve Dragomira en ce moment ?

— Je ne sais pas.

— Tu ne veux pas parler, s’écria l’employé ; c’est bon, nous avons des moyens de te délier la langue. »

Bassi lui embrassa les genoux en tremblant.

« Pitié ! je ne sais rien, je ne peux rien dire !

— Assez causé ! cria l’employé en frappant la terre du pied ; le knout ! Et deux femmes qui sauront s’en servir ! »

Un des agents sortit.

« Grâce ! dit Bassi d’une voix suppliante et toute secouée par une terreur mortelle ; grâce ! je suis une femme ! Comment pouvez-vous frapper une femme !

— Ce sont des femmes qui te frapperont.

— Non, non ! s’écria-t-elle, jamais personne ne m’a touchée !

— Tant mieux ! Tu n’en avoueras que plus vite. »

L’agent revint avec deux jeunes paysannes solides, qui tenaient des cordes et des knouts. Elles considérèrent avec un sourire féroce Bassi, qui tremblait et qui se jeta, tout en larmes, aux pieds de l’employé.

« Attachez-la !

— Pitié ! pitié ! »

Bassi se mit en défense ; mais ce fut bien inutile. Elle fut garrottée et attachée au poêle ; puis les deux jeunes filles se postèrent derrière elle, le knout à la main.

« Combien de coups ?

— Jusqu’à ce qu’elle avoue. »

Les knouts commencèrent leur abominable besogne. Au bout de cinq coups, Bassi capitula.

« Assez ! assez ! j’avoue tout, détachez-moi.