Quand l’Amen eut été répété trois fois, le prêtre livra Soltyk à la prêtresse. Elle s’avança vers l’autel et fit un signe à son cortège. Aussitôt retentit une musique farouche et triomphante, et la danse des Bacchantes recommença.
En même temps, quatre des jeunes filles vêtues de peaux de bêtes s’approchèrent doucement du comte, à la façon des chats ; puis elles se précipitèrent brusquement sur lui en poussant un cri sauvage. Pendant que l’une, rapide comme l’éclair, lui jetait un lacet autour du cou, une autre lui attachait promptement les pieds avec sa corde de soie. Il tomba sur les genoux et les deux autres lui lièrent immédiatement les bras derrière le dos. Les sacrificatrices le saisirent et le placèrent sur l’autel.
« Pitié ! murmura-t-il.
— C’est Dieu, qui a pitié ! » répondit Dragomira, et elle releva lentement sa large manche doublée d’hermine. Sa pelisse tombait autour d’elle comme un ruisseau de sang ; le couteau du sacrifice étincela dans sa main et ses lèvres entr’ouvertes laissèrent voir ses dents.
De nouveau la musique se fit entendre, de nouveau les jeunes filles reprirent leurs danses en agitant leurs thyrses dorés, leurs disciplines et leurs couteaux autour de l’autel.
Dragomira se pencha tendrement vers le bien-aimé et lui passa un bras autour du cou. Pendant qu’elle collait ses lèvres à celles de Soltyk, sa main droite lui donnait le premier coup. La victime frissonna et fit entendre un soupir. Les flûtes et les cymbales retentirent en suivant un rythme encore plus sauvage, et tous ces beaux corps s’agitèrent, en proie au délire des Ménades et à l’ivresse que donne l’odeur du sang.