Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
LA PÊCHEUSE D’AMES.

appartient à cette secte qui veut noyer les péchés du monde dans des flots de sang.

— Et vous ne connaissez aucun moyen de sauver le comte ?

— Non, je le regarde comme perdu, dit Henryka. Ah ! si nous pouvions seulement protéger Anitta contre sa vengeance ! Je sais qu’elle a juré sa mort. Où est-elle la pauvre enfant ? Est-elle en sûreté ? Partout Dragomira a des agents, des espions ; elle saura bien la trouver, et alors Anitta sera perdue.

— Votre peur me gagne, murmura Zésim ; il faut que je prenne immédiatement des mesures.

— Anitta est donc près d’ici ?

— Oui.

— Alors emmenez-la à l’étranger, si c’est possible ; ici, elle n’est pas en sûreté. Je vous en conjure, ne perdez pas une minute. »

Quelques instants plus tard, Henryka et Zésim quittaient la maison. Une fois dans la rue, elle prit congé de lui et fit mine de s’éloigner ; mais elle le suivit de loin et le vit prendre un traîneau et partir.

Le cocher était de retour et venait de dételer ses chevaux, lorsqu’une dame en toilette élégante s’approcha de lui.

« Où as-tu conduit le lieutenant Jadewski ? demanda-t-elle.

— Je ne peux pas le dire.

— Même si je te donne vingt roubles.

— Où sont-ils ? »

La dame lui donna l’argent.

« J’ai conduit le jeune monsieur à Kasinka Mala, dit le cocher ; mais ne révélez à personne que je vous l’ai dit. »