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LA PÊCHEUSE D’AMES.

« Veux-tu persister dans ton arrogance ? demanda-t-il au comte qui se tenait debout devant lui tout enchaîné, je suis ici à la place de Dieu ; je suis ton seigneur et ton juge. Agenouille-toi et adore Dieu dans son prêtre. »

Soltyk ne répondit rien.

« Tu ne veux pas ?

— Non. »

L’Apôtre fit un signe. Deux hommes saisirent Soltyk et l’étendirent sur une planche parsemée de pointes de fer et soutenue par de grands blocs de bois. Après avoir attaché aux pieds du malheureux condamné un poids d’un quintal, ils se mirent à l’allonger lentement sur la planche du martyre en le tirant par les mains qui étaient liées. Soltyk résista avec un orgueil diabolique à cet horrible supplice. Pas un mot, pas un son ne sortit de ses lèvres. Quand la torture eut duré assez longtemps, le prêtre donna l’ordre de laisser quelques instants de repos à la victime.

« Il faut prendre un moyen plus énergique, s’écria l’Apôtre, le diable est plus fort en toi que je ne le pensais. »

Il fit signe à Karow d’avancer et lui donna les instructions nécessaires. Il y avait un anneau de fer attaché au plafond. On y suspendit Soltyk par les bras. Alors Dragomira et Henryka sortirent de l’ombre et saisirent les fers rouges qui étaient dans les charbons ardents.

« Ne sois pas irrité contre moi, dit Dragomira en écartant avec tendresse les cheveux de Soltyk qui couvraient son front baigné de sueur, je fais ce qu’il faut que je fasse ; nous te faisons souffrir les tourments des damnés, ici, sur cette terre où ils durent peu, pour te sauver des supplices éternels de l’enfer. C’est par amour qu’il faut que je te fasse mal, par amour qu’il faut que j’augmente tes souffrances, jusqu’à ce que la vraie humilité chrétienne pénètre dans ton cœur. »

Henryka lui donna le premier coup. La joie d’un fanatisme infernal brillait dans ses yeux ordinairement si doux. Puis le fer de Dragomira siffla à son tour au contact de la chair.

L’orgueil de Soltyk résista encore à cet épouvantable torture, mais pas longtemps. Un soupir s’échappa de la poitrine du malheureux supplicié ; puis ce fut un gémissement, et enfin un grand cri.

Les deux femmes interrompirent leur horrible besogne de bourreau.

« Veux-tu humilier ton orgueil ? demanda l’Apôtre d’un ton