Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
LA PÊCHEUSE D’AMES.

dissimuler. C’était Mlle Maloutine. Je suis en relations avec sa mère depuis des années. Elle s’habillait positivement chez moi quand elle avait des rendez-vous avec le comte Soltyk. Ces rendez-vous se donnaient-ils au cabaret Rouge ? c’est ce que je ne sais pas. »

L’employé fit des perquisitions dans toute la maison, mais il ne trouva rien de suspect.

La déposition du marchand donna l’idée d’envoyer un agent à la maison de Dragomira. Il trouva la porte fermée et apprit des voisins que les habitants de cette maison étaient partis. Le directeur de la police donna l’ordre d’ouvrir la porte de force. Là encore on trouva le nid vide ; là encore on ne découvrit absolument rien de suspect.

Pour le moment, la police était fort embarrassée, d’autant plus que, le lendemain au soir, elle eut deux fortes preuves que les compagnons de Dragomira n’avaient pas du tout quitté la place.

Zésim revenait du Casino des officiers et rentrait chez lui. Il passait par une rue déserte et sombre. Une jeune fille maquillée et en toilette tapageuse vint à sa rencontre. Il voulut continuer son chemin sans faire attention à elle, mais elle s’arrêta et lui demanda du feu pour allumer une cigarette. Pendant que Zésim lui présentait la sienne, il reçut à l’improviste un coup violent dans la poitrine, et l’éclair d’une large lame d’acier lui passa devant les yeux. Le jeune officier fit instinctivement deux pas en arrière et tira son sabre, mais l’audacieuse créature avait déjà disparu au coin d’une maison, et quand il se mit à sa poursuite, il ne trouva trace de rien ni de personne.

Le coup, d’ailleurs, avais été arrêté par son porte-cigarettes en argent.

Le même soir, un agent de police chargé de surveiller le cabaret Rouge fut attaqué par deux hommes, qui s’approchèrent en faisant les ivrognes et l’assaillirent à coups de gourdin. Il montra son revolver ; alors ils reculèrent et tirèrent sur lui plusieurs coups qui ne l’atteignirent pas.

Ils s’enfuirent quand il courut après eux, longèrent le fleuve et disparurent tout à coup comme si la terre les avait engloutis.