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LA PÊCHEUSE D’AMES.

prophétesse sanguinaire n’aurait jamais réussi à vous faire tomber dans ses pièges.

— Ce n’est pas vous qui êtes coupable, répondit Zésim, c’est moi, moi seul. J’aurais dû me fier à vous ; je n’aurais jamais dû me décider à vous abandonner. Pardonnez-moi, si vous pouvez.

— Je n’ai rien à vous pardonner, Zésim ; je ne sais qu’une chose, c’est que je vous ai toujours aimé, et que je n’ai jamais eu qu’une seule pensée au cœur, celle de vous sauver. Et je veux vous sauver, et je vous sauverai, du moment que vous m’aimerez encore ; car cela me serait impossible autrement. »

Zésim plia le genou devant elle et couvrit ses mains de baisers.

« Je vous le dis encore une fois, j’étais aveuglé, j’étais ivre ; mais je n’aime que vous ; pardonnez-moi.

— Eh bien, maintenant, s’écria Anitta en le serrant tendrement dans ses bras, je vous sauverai, je vous dirai que je vous aime, que je vous appartiens, que je veux vous suivre partout où vous le désirerez. Rien ne peut plus nous séparer ; j’aurai le courage de tout souffrir. »

Zésim l’attira à lui et lui donna un baiser, puis il se releva et se mit à aller et venir à grands pas dans la chambre.

« Maintenant, dit-il, délibérons sur ce qu’il y a à faire.

— Avant tout, allons à la police, monsieur l’officier, dit Tarass, prenant part à la conversation, autrement les assassins nous échappent.

— Non, non, s’écria Anitta. Quoique Dragomira soit démasquée et qu’elle ait pris la fuite, comme je l’espère, elle a ici, dans la ville, des complices qui poursuivront son œuvre. On vous tuera, Zésim.

— Ce n’est pas moi que le danger menace, mais vous, Anitta, répondit le jeune officier ; vous avez provoqué Dragomira ; vous avez découvert son secret ; elle ne reculera devant aucun moyen pour se venger. Il vous faut vous éloigner, et sur-le-champ. Je vous conduirai chez ma bonne vieille nourrice, à Kasinka Mala. Là, vous serez en sûreté, surtout si vous continuez à jouer votre rôle de jeune paysanne et si vous ne vous montrez pas hors de la maison avant que tout danger soit passé.

— Je ferai tout ce que vous jugerez bon, dit Anitta ; mais vous… vous voulez rester ici, où la mort vous menace ? Je mourrai d’effroi.

— Ne craignez rien, répondit Zésim ; dès que vous serez en