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XXI

SAUVÉS !

Les ténèbres s’enfuient, le jour apparaît.
POUSCHKINE.

Cette même nuit, il arriva aussi à Kiew des choses étranges et inattendues. Anitta et Zésim étaient en route pour aller trouver le directeur de la police. À moitié chemin, la jeune fille demanda subitement à l’officier de retourner sur ses pas ; avant de prendre un parti définitif, elle avait à lui parler.

« Où voulez-vous que je vous conduise ? demanda-t-il ; chez vos parents ?

— Non, chez vous. »

Zésim donna l’ordre au cocher de les conduire à sa maison. Ils arrivèrent bientôt. Il lui dit ensuite d’attendre devant la porte, et monta l’escalier en précédant Anitta. Tarass, à qui sa jeune maîtresse avait fait un signe, les suivait. Une fois en haut, Anitta se débarrassa de sa pelisse en peau d’agneau et s’assit sur une chaise. Avec ses bottes de maroquin rouge, sa jupe de couleur, son corsage, sa chemise blanche brodée, son cou et sa poitrine ornés de colliers de corail, ses longues nattes épaisses attachées par de larges rubans bleus, elle offrait absolument l’image de la simplicité et de l’innocence la plus touchante. Zésim debout devant elle la considérait dans un muet ravissement.

« Écoutez-moi, dit-elle d’une voix douce et confiante, j’ai à vous demander pardon. C’est moi qui suis coupable de tout ce qui est arrivé ; c’est moi qui vous ai poussé dans les filets de Dragomira. Si j’avais eu plus de courage, j’aurais bravé la volonté de mes parents, je me serais enfuie avec vous ; cette