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LA PÊCHEUSE D’AMES.

Karow et se retira ensuite avec Henryka dans l’embrasure d’une fenêtre, pour lui donner les instructions que nécessitait l’état des choses. Henryka descendit rapidement dans la cour du château, sauta sur le cheval qui l’avait amenée à Chomtschin, et partit en toute hâte pour Okozyn, afin d’y prendre les dispositions qu’exigeaient les circonstances.

Soltyk revint avec Mme Maloutine à son bras, et invita Karow à conduire Dragomira. Le régisseur, vieux gentilhomme ruiné, suivait. Lui et Karow devaient servir de témoins. Dans la petite chapelle du château, tout éclatante de lumières, le chapelain attendait les étranges fiancés. En quelques minutes, la cérémonie religieuse fut terminée, les anneaux furent échangés, le comte et Dragomira unis par le prêtre d’un lien indissoluble. Encore une courte prière, et Dragomira, devenue comtesse Soltyk, quittait la chapelle au bras de son époux.

Le jeune et fier couple revint encore une fois dans le cabinet du comte.

« Maintenant tu es à moi, Dragomira, s’écria Soltyk, et il entoura de son bras la taille élancée de sa charmante femme, tu es à moi pour toujours. »

Elle ne répondit rien. Elle lui donna un baiser et le regarda, puis lui ordonna de s’asseoir à son secrétaire et d’écrire ce qu’elle lui dicterait.

C’était une lettre destinée au jésuite et qu’elle regardait comme nécessaire pour la protéger contre ceux qui la poursuivaient. Le comte informait Glinski qu’il avait épousé Dragomira et qu’il était en route avec elle pour Moscou. Il avait l’intention de partir de cette ville pour faire avec sa femme un voyage à l’étranger. À la fin de sa lettre, il priait le jésuite de ne pas le trahir et de répandre le bruit que Dragomira s’était enfuie du côté de la Moldavie.

La lettre fut confiée à un piqueur du comte qui devait la porter à Kiew. Les deux époux descendirent alors l’escalier. Karow suivait avec Mme Maloutine.

Deux traîneaux couverts attendaient dans la cour du château. Dans le premier montèrent Mme Maloutine et Karow, qui s’installa sur le siège du cocher et prit lui-même les rênes. Tabisch conduisait le second traîneau où Soltyk avait aidé sa jeune femme à monter. Ils ne risquaient donc pas d’être découverts. Personne au château ne pouvait savoir quelle direction ils avaient prise. Ils étaient partis ostensiblement pour