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V

LE FEU FOLLET

Il dirigea ses pas vers de fausses routes, suivant les images du bonheur mensonger.
DANTE.

Ce fut une grande surprise à Koniatyn, lorsque le lendemain, dans l’après-midi, une voiture entra dans la cour et que de cette voiture descendirent Mme Maloutine et sa fille.

« Qu’est-ce que cela signifie ? murmura Mme Jadewska ; il y a des années qu’elles ne sont venues chez moi. »

Elle s’enveloppa rapidement dans un châle de Turquie et se hâta d’aller saluer ses hôtes. Zésim, qui la suivait de très près, ne fut pas médiocrement étonné lorsque Dragomira lui tendit la main avec un aimable sourire et lui fit un petit signe de tête familier. Que s’était-il passé ? La belle jeune fille avait changé de peau comme un serpent ; le sombre costume de la nonne avait disparu. Elle portait une robe blanche comme la neige, serrée à la taille par une ceinture bleu clair, et ses magnifiques cheveux blonds lui tombaient en longues tresses sur le dos. Son regard était gai, et sur ses lèvres rouges s’épanouissait toute la joie innocente de la jeunesse.

« Faites donc dételer, chère amie, dit Mme Jadewska ; on ne laisse pas repartir tout de suite des hôtes si rares. Restez à souper avec nous, je vous en prie. »

Madame Maloutine regarda Dragomira, qui lui répondit par un petit signe. Elle accepta alors l’invitation et donna à son cocher les ordres nécessaires.

Lorsqu’on eut pris le café, Dragomira demanda au jeune officier de venir au jardin avec elle ; et quand ils eurent des-