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LA PÊCHEUSE D’AMES.

toufles de fourrure. Au moment où il venait de terminer son service d’esclave, un sonore éclat de rire retentit, et Henryka entra conduisant le comte, qui fit au jésuite une ironique révérence.

« Voilà, s’écria-t-il, vous prêchiez dans le désert. Si j’avais pu deviner que vous étiez un si bon appréciateur de la beauté et que vous saviez lui rendre de si chevaleresques hommages, j’aurais certainement écouté vos conseils avec de meilleures dispositions. »

Le jésuite, rouge et tremblant, s’était relevé, et d’un air anéanti regardait tantôt Dragomira, tantôt le comte.

La jeune fille eut l’habileté de venir à son aide quand il en était encore temps.

« Laissez donc le Père en repos, s’écria-t-elle ; je l’aime bien mieux que vous ; nous nous entendons maintenant parfaitement, n’est-ce pas ? et rien ne pourra troubler notre amitié, ni vos railleries, cher comte, ni votre jalousie.

— Oui, pour vous faire enrager, dit Glinski, je veux me mettre à faire sérieusement la cour à Dragomira. »

Il lui prit la main, et y appuya deux fois ses lèvres avec passion.

Dragomira se leva, prit son bras, et le conduisit à la fenêtre.

« Laissez-nous, dit-elle à Soltyk, nous avons un petit secret entre nous.

— Vous ordonnez ?… demanda doucement Glinski.

— Ce qui est convenu est convenu.

— Dans un mois, vous serez comtesse Soltyk. »

Dragomira serra la main de Glinski.

« Et, maintenant, lui murmura-t-elle à l’oreille, occupez ma mère et Henryka : jouez aux échecs avec ma mère ; quant à Henryka, dites-lui de réciter son chapelet.

— Comptez sur moi. »

Glinski baisa encore cette charmante main qu’il pressait maintenant dans les siennes, et conduisit Henryka hors de la chambre.

Dragomira resta seule avec le comte.

Sans avoir l’air de le remarquer, elle alla lentement vers la cheminée, s’assit sur la chaise, posa ses pieds sur la peau de tigre et regarda fixement le feu.

« Dragomira, dit le comte qui s’était avancé doucement derrière elle.

— Vous êtes encore là ?