Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XVII

CŒURS DE MARBRE

Maintenant tu es dans mes serres.
MICKIEWICZ.

Quand Dragomira revint à Chomtschin avec Henryka dans l’après-midi du lendemain, le comte Soltyk était à la chasse. Mme Maloutine jouait aux échecs avec le P. Glinski. Dragomira embrassa sa mère et salua le jésuite avec une froide politesse. D’un coup d’œil elle avait saisi tous les avantages de la situation ; un second coup d’œil lui suffit pour s’entendre avec sa mère. Elle dit encore deux ou trois mots à Henryka ; et un plan fut combiné, et les trois femmes se mirent à tisser un filet pour prendre le Père, qui ne se doutait de rien.

« Vous avez l’air gelé ! dit Mme Maloutine ; je vais voir à vous procurer du thé bien chaud, mes pauvres colombes.

— Permettez-moi de…, dit galamment le jésuite.

— Non, non, reprit Mme Maloutine en l’interrompant, c’est mon affaire ; il y a ici d’autres devoirs de chevalier à remplir, cher père, je vous les abandonne. »

Elle sortit de la chambre, et Glinski s’empressa de débarrasser les deux jeunes filles de leurs manteaux et de leurs bachelicks.

Dragomira remercia d’un léger signe de tête.

« Viens, dit-elle à Henryka, nous allons changer de vêtements. Je ne me sens pas à mon aise.

— Patiente un moment, dit Henryka, je vais t’apporter tout ce dont tu as besoin. »

Sans attendre de réponse, elle sortit d’un pas léger et rapide. Dragomira s’assit près de la cheminée et se chauffa.

« Il fait froid dehors, dit-elle, on est positivement glacé. »