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LA PÊCHEUSE D’AMES.

— Venez donc. »

Tarajewitsch ôta sa pelisse. Henryka le fit passer par plusieurs chambres et le conduisit dans la salle où se trouvait la trappe. Elle lui ordonna de l’ouvrir et lui fit descendre les marches de l’escalier qui aboutissait au caveau où elle avait elle-même tremblé, pleuré et prié. Elle frappa à la paroi. Celle-ci s’ouvrit et on aperçut un deuxième caveau plus étroit et plus sombre que le premier. Il s’y trouvait deux grandes jeunes filles à la taille élancée, en costume de paysannes, avec des bottes de maroquin rouge et de longues pelisses en peau de mouton ornées de broderies de couleur. Elles attendaient la nouvelle victime et l’examinèrent avec des yeux calmes et indifférents.

« Attachez-le, ordonna Henryka.

— Est-ce que vous voulez me tuer ? s’écria Tarajewitsch.

— N’essayez pas de vous défendre, » lui dit Henryka d’un ton impérieux en lui appuyant le pistolet sur la poitrine.

En même temps une des jeunes filles, avec l’agilité d’un chat, l’avait pris par le cou, tandis que la seconde, qui était derrière lui, lui jetait une corde autour des jambes et serrait le nœud coulant.

Il tomba comme un bloc de bois, le visage sur le sol, et une des jeunes filles posa un genou sur lui. Il se débattit un instant, mais fut promptement attaché par les mains et par les pieds à la chaîne qui était fixée à la muraille.

« Ne vous ai-je pas interdit de vous défendre ? » dit Henryka en posant sur lui son petit pied.

Tarajewitsch garda le silence.

« Châtiez-le, continua-t-elle, en se tournant vers les jeunes filles, et apprenez-lui en même temps à prier. Il a grièvement péché toute sa vie. »

Les deux jeunes filles lui arrachèrent son vêtement et prirent ensuite des disciplines qu’elles portaient à la ceinture, sous leurs pelisses, avec des chapelets.

Soltyk conduisit Dragomira à Kiew et revint avec Mme Maloutine à Chomtschin, où l’attendait le P. Glinski. Dragomira se rendit immédiatement auprès de Karow, avec qui elle eut un court entretien, puis elle écrivit à Zésim.

« Deux mots seulement, lui dit-elle lorsqu’il entra, nous avons fait aujourd’hui un grand pas vers notre bonheur. Encore quelques jours, et j’espère pouvoir te dire que je suis prête à te suivre à l’autel. »