Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XVI

LA DÉESSE DE LA VENGEANCE

Aucune des bêtes sauvages qui courent dans les bois, nuit et jour, après leur proie, n’est aussi cruelle que toi.
PÉTRARQUE.

« Abandonne-le-moi, répéta Henryka, lorsque le lendemain matin elle se mit à genoux devant le lit de Dragomira, je le livrerai à l’Apôtre aussi bien que toi.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda Dragomira, est-ce que tu l’aimes ?

— Non, je voudrais seulement le punir de me croire par trop naïve.

— Toujours des motifs égoïstes ! Henryka, répondit Dragomira ; tu es encore bien loin de comprendre notre sublime doctrine. Dans ce que nous faisons par foi en notre sainte croyance et par pitié, toi, tu vois une agréable émotion. Je comprends maintenant pourquoi ce sont justement les femmes qui aiment à assister aux exécutions. Maîtrise ce mauvais désir, cet amour du sang. Il te perdra.

— Je t’obéirai, car tu as raison ; alors, abandonne-moi Soltyk.

— Ce n’est pas une tâche pour toi ; tu n’es pas assez calme.

— Et toi ? Es-tu donc absolument sûre de lui ?

— Oui.

— Tu le convertiras, et il s’offrira volontairement au sacrifice ?

— Je l’espère.

— Ne vaudrait-il pas mieux en faire un de nos associés ? Il est beau, riche, courageux, plein d’intelligence. Il semble