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LA PÊCHEUSE D’AMES.

Dragomira pressa alors un bouton caché que Soltyk lui avait indiqué dans son billet ; une porte secrète s’ouvrit et le comte se trouva devant elle.

« Puis-je entrer ?

— Certainement. »

Il entra et ferma la porte derrière lui.

« Qu’avez-vous à me dire ? » demanda-t-il.

Dragomira s’assit auprès de la cheminée et lui en face d’elle.

« Vous m’aimez, dit-elle, et vous voulez m’obtenir à tout prix ?

— Oui.

— Voici ma main. Je vous permets d’espérer ce que vous souhaitez, tout ce que vous souhaitez, dès que vous m’aurez prouvé que vous êtes un homme comme je suis une femme, et que vous ne reculez devant rien quand il s’agit d’atteindre un but élevé et saint.

— Je vous donnerai toutes les preuves que vous exigez de moi, dit Soltyk ; et alors cette main sera à moi ?

— Oui.

— Que désirez-vous donc de moi ?

— J’ai appris et je sais positivement que Tarajewitsch manœuvre par l’ordre de votre famille et dans l’intérêt des jésuites. On fera tout ce qu’il est possible de faire pour vous séparer de moi et vous marier avec Anitta. Si cela ne réussit pas, on aura recours aux pires moyens. On vous dénoncera d’abord comme dissipateur, et l’on vous interdira la libre disposition de vos biens.

— Ce n’est pas possible !

— Si, c’est même certain, croyez-moi, et si alors vous ne renoncez pas à moi, on vous déclarera fou et on vous enfermera dans une maison de santé. »

Soltyk bondit tout indigné.

« Mais, c’est un plan diabolique ! s’écria-t-il.

— Il nous faut prendre les devants, continua Dragomira ; vous avez en moi une alliée fidèle et courageuse. Nous devons agir sans tarder et anéantir vos ennemis.

— Oh ! vous êtes mon bon ange ! » murmura Soltyk en tombant à genoux devant Dragomira dont il couvrit les mains de baisers.