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LA PÊCHEUSE D’AMES.

avaient indiqué la conduite à tenir. Personne ne fut étonné, en revanche, de le voir s’approcher d’Henryka et avoir avec elle une conversation animée. On ne remarqua pas non plus qu’Henryka lui glissait un petit billet dans la main.

Pendant le souper, Soltyk trouva un prétexte pour sortir de la salle à manger. Il alla s’enfermer dans sa chambre à coucher et lut ce que Dragomira lui avait fait remettre.

« Il faut que je vous parle aujourd’hui et en secret. Comment faire ? »

Soltyk réfléchit un moment, puis il fit venir le régisseur du château et lui ordonna de changer, sans qu’on s’en aperçût, les chambres de Mme Maloutine et de sa fille. Quand ce fut réglé, il écrivit un mot pour Dragomira, retourna à table, et glissa avec précaution sous la nappe le billet à Henryka, qui était assise à côté de lui.

On repassa au salon. Henryka alla pour un instant à la fenêtre avec Dragomira et lui glissa à son tour le billet dans la main.

Mme Maloutine, en considération de la chasse du lendemain, proposa d’aller se coucher de bonne heure. Tous furent de son avis et l’on se sépara en se souhaitant une excellente nuit.

Une fois dans leur appartement, Mme Maloutine et Dragomira se concertèrent en quelques mots. La première resta dans sa chambre, pendant que Dragomira s’enfermait dans la sienne. Les deux chambres étaient séparées par un petit salon dont Dragomira ferma également la porte à clef.

On frappa doucement.

« Qui est là ? demanda Dragomira.

— Moi, Henryka, ta servante. »

Dragomira ouvrit. Henryka entra et donna un tour de clef.

« Je viens pour te déshabiller.

— Je ne me couche pas encore, j’attends Soltyk.

— Faut-il m’en aller ?

— Je veux me mettre à mon aise, dit Dragomira, tu peux m’aider et te tenir ensuite dans la chambre à côté. »

Henryka aida Dragomira à ôter sa robe de velours. Elle lui présenta ensuite un peignoir de soie à queue, une jaquette de fourrure et s’agenouilla pour lui mettre ses pantoufles. Pendant ce temps-là ; les lumières s’éteignaient et le silence se faisait dans le château. On frappa de nouveau très doucement, cette fois derrière la boiserie de la chambre. Dragomira mit un doigt sur sa bouche et Henryka sortit sans faire aucun bruit.