Bedrosseff en souriant, néanmoins je ferai tout mon possible pour tirer la chose au clair, et je prends bonne note de votre avertissement.
— Vous ferez surveiller Dragomira ?
— Oui.
— Ne feriez-vous pas bien aussi de demander quelques explications à la jeune fille elle-même, comme ami de sa mère ? Votre regard perçant démêlerait peut-être bien des choses qui nous échappent à nous autres.
— Je ne demande pas mieux. De votre côté essayez tout de suite de détourner autant que possible le comte de Dragomira ; occupez-le, donnez-lui des distractions.
— Je n’y manquerai pas, et dès que je saurai du nouveau, je vous en préviendrai immédiatement. »
Les deux hommes se séparèrent en se donnant une chaude poignée de main, avec un sourire qui, chez le commissaire de police, voulait dire : Tu es quelque peu naïf, mon ami, pour un jésuite ; et chez le Père : Tu n’as pas la vue bien longue, mon ami, pour un commissaire de police. Cependant Bedrosseff fit appeler sur-le-champ le plus adroit et le plus expérimenté de ses agents, pour bien s’entendre avec lui et lui donner les instructions nécessaires.
À la même heure, le jésuite expédiait un courrier à Tarajewitsch, un parent du comte. Soltyk le voyait autrefois avec plaisir et avait passé avec lui mainte nuit joyeuse. Tarajewitsch arriva aussitôt et trouva à l’hôtel de l’Europe, où il descendait, le jésuite qui l’attendait déjà. Les deux hommes s’entendirent promptement et conclurent sur-le-champ une alliance intime ; car Tarajewitsch était toujours à la disposition de quiconque avait de l’argent à lui donner et de belles promesses à lui faire ; et le jésuite ne regardait pas à appuyer son éloquence de quelques bank-notes de roubles à l’effigie de Catherine II.
Une heure plus tard, l’honnête Tarajewitsch se précipitait avec tout l’empressement d’un parent affectueux dans le cabinet du comte.
« Cher Boguslaw, s’écria-t-il en le serrant dans ses bras et en lui donnant deux baisers retentissants, nous voilà donc encore ensemble à Kiew ! Je voulais te faire un grand plaisir et voilà pourquoi je suis venu à l’improviste. Naturellement, je demeure chez toi, et nous allons fièrement nous amuser pendant quelques jours. »
Quand Soltyk fut sûr que Tarajewitsch ne voulait rester que