« Serait-ce possible ? s’écria-t-elle. Anitta ? vous ici ?
— Oui, moi ! répondit Anitta, encore tremblante de surprise, mais elle se remit promptement.
— Et vous désirez ?…
— Je veux vous dire, reprit Anitta, de plus en plus décidée et calme, que l’on voit dans votre jeu. Je vous tiens pour une coquette ; je sais maintenant que vous poursuivez des plans qui craignent la lumière, que vous…
— Qu’en savez-vous ? murmura Dragomira en saisissant brusquement Anitta par le poignet.
— Lâchez-moi, dit Anitta avec énergie, vous ne me ferez pas peur. »
Elle repoussa Dragomira et recula d’un pas.
« Que savez-vous de mes plans, demanda de nouveau Dragomira.
— Peu de chose, mais assez pour comprendre que par votre fait Zésim Jadewski court un danger sérieux. Vous avez aussi tendu vos filets autour du comte Soltyk. C’est bien, celui-là je vous l’abandonne ; mais cessez de vouloir faire votre victime de Zésim.
— En vérité ? dit Dragomira d’un ton railleur. Vous me faites cadeau de Soltyk, comme s’il était votre esclave ; et je dois vous donner Zésim en échange. Malheureusement, je ne peux pas plus disposer de lui que vous du comte.
— Ne déplacez pas la question, dit Anitta avec vivacité, vous ne me comprenez que trop bien. Je veux que vous renonciez à Zésim, non pas pour m’être agréable, à moi, mais parce que vous ne pouvez que causer sa perte comme celle de bien d’autres. Il y a quelque chose en jeu, que je ne comprends pas encore ; mais je sens que Zésim est en danger tant qu’il respire le même air que vous.
— Tu prends une peine inutile, répondit Dragomira avec une froide majesté, tu ne comprends pas, pauvre jeune fille, mais il est une chose que tu comprendras peut-être, c’est que je l’aime et qu’alors je veux le sauver, car c’est toi qui perds son âme, et non pas moi.
— Tu l’aimes ? s’écria Anitta. Toi !… toi, autour de qui flotte une odeur de sang !
— Tais-toi !
— Non, je ne me tairai pas. C’est toi qui a tué Pikturno. Quiconque t’aime, tu le tues. Tu immoleras aussi Zésim. Dans quelle intention ? je ne le sais ; mais tu désires son sang. C’est