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LA PÊCHEUSE D’AMES.

L’apparition s’éleva lentement, comme un nuage qui plane. C’est en vain que Soltyk cherchait à l’atteindre et à la serrer dans ses bras. Elle riait doucement et lui échappait comme un insaisissable papillon. Sa robe flottait toujours ; ses boucles ondulaient encore vaguement. Puis tout se retrouva soudain plongé dans les ténèbres, La mélodie mystérieuse qui vibrait doucement dans la salle s’arrêta, le parfum des fleurs s’évanouit.

« C’est assez, dit le comte, en revenant lentement et pas à pas vers Dragomira. Je suis dans un état qui touche à la folie.

— Cela ne dépend pas de moi.

— Faites apporter de la lumière. »

Dragomira sonna. Le vieillard arriva aussitôt avec sa lanterne et ralluma les bougies du candélabre qui donnèrent de nouveau une lumière tranquille et claire.

— Écarte le rideau, ordonna le comte.

Le vieillard échangea un regard imperceptible avec Dragomira et fit ce qu’on lui avait commandé.

— Va-t-en maintenant.

À peine le vieillard s’était-il éloigné qu’une musique douce et plaintive recommençait à vibrer dans la salle. Une blanche figure s’éleva du sol à la lueur brillante des bougies.

— Doutes-tu encore ? demanda une belle voix, pleine et majestueuse comme les notes d’un orgue.

— Non ! non ! « répondit Soltyk d’une voix étouffée.

L’apparition s’était au même instant dissipée comme une vapeur.

« Croyez-vous en moi, maintenant ? » demanda Dragomira.

Au lieu de répondre, le comte tomba à genoux devant elle et cacha son visage tout pâle dans le sein de la jeune fille. Dragomira le regarda paisiblement, sans raillerie, mais aussi sans pitié.