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LA PÊCHEUSE D’AMES.

— Non, on ne joue pas avec de pareilles choses. Malheur à celui qui étend une main téméraire vers le voile qui nous sépare de l’autre monde ! La foi seule peut nous montrer le chemin qui conduit à la lumière éternelle.

— Et vous avez cette foi ?

— Oui, je l’ai.

— Vous croyez que Dieu vous a choisie ?

— Oui.

— Qu’il vous révèle à vous des choses qui demeurent cachées pour les autres yeux mortels ?

— Oui.

— Maintenant je commence à vous comprendre, dit Soltyk que la surprise rendait pâle, pendant que ses yeux apparaissaient plus grands et plus brillants. Et vous voulez que je vous aime uniquement pour que je me confie à vous, pour que je suive avec vous la route qui seule, d’après vous, conduit au salut ?

— Oui.

— Prouvez-moi donc qu’il y a un Dieu.

— Je ne le puis pas.

— Qu’il y a un monde en dehors de celui où nous respirons ; des esprits qui obéissent à l’Éternel et avec qui nous pouvons entrer en relation, grâce à votre foi.

— Je le puis.

— Je vous en conjure, Dragomira, ne me trompez pas. Ce serait affreux de badiner avec de pareilles choses.

— Je ne badine pas, répondit-elle avec calme, vous me demandez des preuves ; je vous les donnerai.

— Quand ?

— Bientôt ; peut-être dès demain.

— Votre parole ?

— Ma parole ! Je la tiendrai, et… ?

— Alors je vous appartiendrai, Dragomira. »