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VI

LE VOILE SE SOULÈVE UN PEU.

Je te suivrai fidèlement, même à travers les flammes de l’enfer !
MOORE.

Il était environ midi lorsque le jésuite entra dans le cabinet du comte. Ce dernier venait de se lever. Assis dans un fauteuil, il était enfoncé dans sa robe de chambre de Perse brodée d’or et doublée d’une molle fourrure de zibeline. Il tenait à la main un billet écrit sur du papier à la dernière mode.

« Une nouvelle aventure ? dit le P. Glinski en badinant.

— Vous vous trompez ; ce sont deux lignes de Dragomira, froides comme un matin de février, par lesquelles elle m’annonce qu’elle est tout à fait remise.

— Alors, vous avez fait demander de ses nouvelles ?

— Oui.

— Tant mieux.

— C’est vous qui parlez ainsi, mon révérend père ?

— Sans doute. Elle ne doit pas se douter que nous sommes sur sa trace et que nous commençons enfin à percer les ténèbres dont s’enveloppe sa mystérieuse personnalité.

— Comment cela ?

— Je suis tout à fait sûr maintenant que Dragomira a un plan à votre égard, continua le père, et qu’elle en poursuit l’exécution avec une volonté énergique et inflexible. Défiez-vous de cette jeune fille. Avec elle, il n’y a pas de galants lauriers à cueillir.

— Je n’y pense pas.

— Dragomira est plus dangereuse que vous ne croyez. »