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LA PÊCHEUSE D’AMES.

— As-tu du courage ? demanda-t-il en la considérant avec attention.

— Oui. »

L’apôtre lui ordonna de se relever et se tourna vers le prisonnier :

« Pour la dernière fois, veux-tu te confesser et faire pénitence ?

— Non ; vous m’avez amené ici par ruse et par force, misérables ! Coquins hypocrites ! s’écria le prisonnier en tirant sur ses chaînes, assassinez-moi, mais ne me demandez pas de m’humilier devant vous.

— Ce n’est pas devant nous, c’est devant Dieu.

— Votre Dieu, c’est Satan ! Vous reniez Jésus-Christ, car sa doctrine, c’est l’amour.

— Tu es possédé du démon, reprit l’apôtre en se levant, sauvez son âme, jeunes filles ! »

Il était là, dans sa longue pelisse sombre, comme l’ange de la vengeance. Sur son ordre les deux hommes saisirent le malheureux, le détachèrent et l’enchaînèrent de nouveau, mais debout, contre le mur. Sur un âtre, dans un ardent brasier, rougissaient des fers longs et pointus. Dragomira fit signe à Henryka d’approcher.

« Que faut-il que je fasse ? demanda celle-ci.

— Tu dois avec ce fer chasser Satan de cet homme.

— Comment ? » demanda Henryka avec une sorte d’emportement.

Dans ses yeux ordinairement si doux s’alluma soudain une flamme homicide.

« Torture-le sans pitié, dit l’apôtre, tu fais une œuvre pieuse et agréable à Dieu.

— Enfonce-lui les fers dans la poitrine et dans les bras » dit Dragomira.

Henryka saisit un des instruments de supplice qui étaient tout rouges, et, furieuse comme une bacchante en délire, s’approcha de la victime.

« Veux-tu te confesser ? demanda encore le prêtre.

— Non. »

Le fer entra dans la chair en sifflant et le malheureux laissa échapper un profond gémissement.

« Bien, ma fille ! » dit le prêtre à Henryka pour l’encourager.

Et celle-ci, avec une ardeur nerveuse et une joie sinistre, continua son horrible tâche. Le prisonnier se tordait à ses pieds