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LA PÊCHEUSE D’AMES.

les coups qui tombaient et les gémissements de la pénitente. « Pour l’amour de Dieu, pitié ! pitié ! s’écria-t-elle tout à coup, en se prosternant le visage contre terre devant Dragomira.

— J’ai pitié de toi, quand je t’aide à expier tes péchés, » répondit Dragomira.

En même temps, elle mettait son pied sur la nuque de sa victime, pour qui commença seulement alors le véritable purgatoire. C’est en vain qu’Henryka se tordait devant elle dans la poussière ; Dragomira n’avait ni cœur ni nerfs ; elle était possédée par une seule pensée, celle de servir son Dieu, un Dieu aussi horrible que le Moloch des Phéniciens.

Enfin elle s’arrêta. Henryka était étendue devant elle, dans la poussière, complètement anéantie, dans l’état où elle la désirait. Un signe d’elle suffisait ; la pauvre créature obéissait avec autant de peur que d’humilité.

« Baise la main qui t’a fait du bien, » ordonna Dragomira. Et Henryka baisa cette main cruelle.

« Baise le pied qui t’a humiliée. »

Henryka baisa le pied.

Dragomira lui délia les mains. Henryka n’osait pas encore se relever.

« Habille-toi ! »

Henryka recouvrit ses épaules qui saignaient.

« Le troisième degré de la pénitence, continua Dragomira, montrera si tu es capable de crucifier ton cœur, de vaincre ta compassion, et si tu as le courage d’exécuter les commandements de notre croyance. Prends ta pelisse, et suis-moi. »

Dragomira descendit pour la seconde fois avec la novice dans les souterrains de cette maison mystérieuse.

Elles arrivèrent d’abord dans le caveau où Henryka avait commencé sa pénitence. Dragomira ouvrit une porte de fer et elles suivirent un étroit corridor jusqu’à une deuxième porte, à laquelle Dragomira frappa trois fois. On ouvrit, et les deux jeunes filles entrèrent dans une vaste salle voûtée, faiblement éclairée par une lampe rouge. Un homme d’un âge mûr, la barbe et les cheveux en désordre, était étendu sur de la paille et retenu par une chaîne, Devant lui, l’apôtre était assis dans un fauteuil ; deux hommes portant le costume de paysans se tenaient à l’écart et attendaient ses ordres.

« La voici, dit Dragomira, pendant qu’Henryka s’approchait de l’apôtre et s’agenouillait devant lui.