Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

IV

DANS LE LABYRINTHE DE L’AMOUR

« Il nourrit les serpents qui lui rongent le cœur. »
(SHELLEY, la Reine Mab.)

Après M. Oginski, ce fut au tour de M. Monkony, père d’Henryka, de donner une fête. On devait se rendre en traîneau à sa propriété de Romschin, située au delà de Myschkow, à quatre lieues de Kiew, au bord de la grand’route.

Vers midi, les traîneaux se rassemblèrent devant la maison de Monkony à Kiew. Les arrivants montaient l’escalier et faisaient, debout, un vrai déjeuner à la polonaise dans la salle à manger où régnait une agréable chaleur. On y faisait surtout honneur aux différentes variétés de masurki (tartes polonaises) et aux liqueurs. Chaque traîneau devait contenir une dame et son cavalier. Les costumes rappelant le temps de Stanislas-Auguste unissaient le style rococo à l’ancienne somptuosité polonaise.

Zésim Jadewski fut au nombre des invités. Dragomira l’avait exigé, et Henryka s’était empressée de mettre son nom sur la liste. Il trouva Dragomira sur le palier du premier étage. Il ne la reconnut que quand ses yeux froids lui sourirent tendrement et que sa petite main sortit, pour le saluer, de la large manche de la jaquette de velours vert à passementeries d’or, garnie de zibeline. Elle était, en effet, d’une beauté vraiment étrange sous la poudre blanche qui couvrait, comme une neige éblouissante. ses cheveux étagés en hautes frisures. Zésim hésita à prendre sa main.

« Il paraît que tu ne me connais plus, dit la belle jeune fille avec un ton d’aimable badinage.