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III

CARTES VIVANTES

L’araignée tissa une toile pour prendre le cœur des hommes.
SHAKESPEARE,
le Marchand de Venise.

« Tu comprends bien, dit un matin Mme Oginska à son mari, pendant qu’ils prenaient leur café, que nous devons donner la revanche à Soltyk. »

Du moment que sa femme le désirait, Oginski éprouva aussitôt le même sentiment qu’elle.

« Tu penses, ma chère, que nous aussi nous devons donner une fête ?

— Oui certainement.

— Mais comment pourrons-nous jamais rivaliser de magnificence avec Soltyk ?

— C’est sans doute fort difficile, répondit Mme Oginska ; voilà pourquoi il faut imaginer quelque chose de tout-à-fait original. C’est ton affaire.

— Quelque chose d’original, oui ; mais comment trouver ce quelque chose d’original ? Je n’ai pas la tête inventive qu’il faudrait en cette occasion.

— Consulte les livres de ta bibliothèque ; ce sera une occasion de les épousseter. »

Oginski soupira, alluma sa pipe et se rendit dans sa bibliothèque.

Dans les ouvrages qu’il feuilleta, il ne trouva rien, il est vrai ; mais il lui vint une bonne idée, là, au milieu de ces hautes armoires. Il se souvint d’un vieil ami de collège qui avait eu la malheureuse fantaisie de devenir poète, et qui, à moitié