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LA PÊCHEUSE D’AMES.

Il crut qu’il allait étouffer, il sortit de l’atmosphère chaude et suffocante de la salle pour aller respirer l’air frais ; puis il rentra, mais il ne reprit pas sa première place. Il se mit derrière une colonne du parterre ; de là, il pouvait mieux observer Dragomira. Il espérait que le comte la quitterait au commencement de l’acte suivant, mais il avait eu tort d’espérer. Soltyk resta, et la conversation devint de plus en plus animée, de plus en plus intime. Ce ne fut qu’au moment où le rideau se levait pour la troisième fois que le comte la salua, et partit. Zésim monta l’escalier en courant et entra dans la loge de Dragomira, les joues rouges et les yeux enflammés.

Elle n’eut pas l’air de remarquer son agitation. Elle lui tendit gaiement les deux mains avec un mouvement d’une grâce exquise.

« Pourquoi si tard ? lui demanda-t-elle ; tu n’as donc pas reçu mon billet ?

— Tu m’as écrit ?

— Sans doute. »

Il sortit le billet doux anonyme… « Cette lettre…

— Est de moi ; un badinage… Je voulais te surprendre, me faire bien belle et te tourner un peu la tête.

— Je suis ici depuis le commencement.

— Est-ce possible ? dit Dragomira d’un air innocent. Je ne t’ai pas remarqué. »

Zésim lui adressa un regard moitié fâché, moitié reconnaissant, et porta sa main froide à ses lèvres brûlantes. Cependant, elle célébra son triomphe avec un sourire silencieux. Le bien-aimé lui appartenait de nouveau, et n’appartenait qu’à elle.