III
DRAGOMIRA
à la vie.
On était aux premiers jours de septembre. Les riches campagnes de la Petite-Russie étalaient toute la splendeur d’une végétation luxuriante. Le ciel sans nuage ressemblait à une immense pierre précieuse ; l’air vermeil était calme et embaumé ; le soleil étendait sur tout comme un réseau étincelant. Le feuillage prenait les couleurs de l’automne, et les gazons avaient des teintes d’or mat. Les branches des arbres fruitiers se courbaient jusqu’à terre, jonchant le sol de leurs fruits. Dans les jardins, les reines-marguerites et les dahlias aux nuances variées faisaient penser aux éclatantes broderies de l’Orient, et, au-dessus des haies vives, se dressaient les tournesols au cœur noir. Les troupeaux de moutons erraient dans les chaumes, et tout en haut, dans les airs, volaient des bandes de grues et de cigognes. Autour des gracieux villages on sentait l’âcre parfum du thym et de l’absinthe ; le bruit rythmé des fléaux tombant sur l’aire retentissait, et, dans chacune des auberges situées sur la route, se faisait entendre le grincement du violon et la voix des joyeux chanteurs. Zésim était sorti avec son fusil et son chien canard anglais, pour tirer des bécasses, ces fugitifs feux-follets, qui se moquent si volontiers du chasseur. Quand il eut rempli sa carnassière, il s’assit pour se reposer sur l’herbe touffue de la berge, et écouta l’antique et mystérieux langage des éléments, le murmure des roseaux et des arbres, la plainte des eaux, toutes ces voix enfin qui semblent parler à travers les airs. Devant lui, les flots brillants