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XXVI

SOUS LE MASQUE

On peut déraisonner sur un point et être sage pour tout le reste.
WIELAND

Quelques instants après, une sultane, habillée avec toute la magnificence de l’Orient, entrait dans la salle.

Grande et d’une taille élancée, elle s’avançait avec dignité. Elle était chaussée de babouches de velours rouge brodées d’or, et avait un large pantalon et une jupe courte de satin jaune sur laquelle tombait un long caftan de soie bleu-clair, brodé d’argent et garni d’hermine. Ce caftan laissait voir une veste ouverte de velours rouge ; la poitrine couverte de colliers de corail, de perles et de sequins apparaissait à travers une gaze d’argent. La tête fière de la sultane était couronnée d’un petit turban tout garni de pierreries. Au lieu de masque elle avait un voile épais de harem, au travers duquel on ne pouvait distinguer que de grands yeux bleus et froids, au regard dominateur.

Une troupe de messieurs s’était attachée aux pas de la nouvelle arrivée. Plus d’un se risqua à lui chuchoter à l’oreille quelque compliment ; mais elle semblait insensible à toutes les tentatives que l’on faisait pour attirer son attention.

Elle promena longtemps ses regards pénétrants par toute la salle, jusqu’à ce qu’elle eût découvert celui qu’elle cherchait. Il venait d’aller au buffet, sans intention, comme un automate inconscient que fait marcher un mouvement d’horlogerie. Les domestiques lui offraient divers rafraîchissements ; il secouait la tête et était sur le point de s’en aller, lorsque la sultane entra et lui posa sa petite main sur l’épaule.