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LA PÊCHEUSE D’AMES.

avec quelques mots aimables et offrit ensuite le bras à madame Oginska. M. Oginski conduisit Dragomira ; Anitta suivait avec Sessawine.

L’escalier était décoré de plantes magnifiques. On marchait sur de moelleux tapis de Perse, où des mains de fées semblaient avoir semé des fleurs ; l’air, doucement chauffé, était rempli de lumière et de parfums.

Mme Oginska, en robe de velours noir et chargée de ses précieux bijoux de famille, était enveloppée d’une longue pelisse de zibeline. Anitta avait une splendide toilette parisienne, robe de crêpe bouton d’or, toute papillotante de fils d’or ; queue de velours de la même couleur, doublée de satin jaune paille, relevée derrière par des épingles d’or ; écharpe de moire jaune d’or garnie de franges d’or. Une nuée de petits colibris, au cou étincelant, semblaient voltiger sur la queue de la robe. Dans ses cheveux, Anitta avait de ces mêmes petits oiseaux avec une épingle de diamants. Une sortie de bal en peluche rouge rubis, garnie de renard bleu et de plumes de colibris qui brillaient comme des pierres précieuses, complétait cet ensemble ravissant.

Dragomira avait une robe de crêpe rose garnie de petites touffes de marabout rose. La queue de velours rose, doublée de satin de la même couleur, était toute couverte de bouquets de roses. Elle portait au cou un collier de sept rangs de perles magnifiques. Sa taille de déesse était enveloppée d’un manteau princier de satin rose richement doublé et garni d’hermine.

Quand les dames eurent ôté leurs manteaux, le comte Soltyk les conduisit par un vestibule orné de peintures et de sculptures dans une grande salle qui avait été transformée en un rêve de printemps. Les murs étaient tapissés de fraîche verdure et de fleurs, les colonnes métamorphosées en arbres fleuris. Au milieu de haies artificielles murmuraient de petites fontaines ; des poissons aux écailles d’or et d’argent se jouaient gaiement dans les bassins, et, derrière les murailles de fleurs, le gazouillement d’une armée de petits oiseaux chanteurs se faisait entendre sans interruption. Un orchestre invisible jouait une polonaise de Chopin. À ces doux et mélancoliques accents, les dames et les messieurs, en élégante toilette, et les masques richement costumés, se promenaient, bavardaient et s’intriguaient.

La grande salle de bal était entourée de cinq salons plus