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LA PÊCHEUSE D’AMES.

Elle attacha sur lui un regard mystérieux, plein d’amour et de pitié, et resta silencieuse.

« Tu as encore quelque chose sur le cœur, dit Zésim au bout de quelques moments.

— Oui. Tu ne me tourmenteras pas avec des réflexions mesquines ?

— Jamais, je te le jure !

— Tu ne… — Dragomira souriait — tu ne seras pas jaloux non plus ?

— Jaloux ? De qui ?

— Du comte Soltyk, par exemple.

— Encore une énigme, mon beau sphinx.

— Ne m’interroge pas, dit Dragomira avec une majesté tranquille, je ne réclame ni ton amour, ni ta confiance ; je suis capable de renoncer à tout. Si tu te défies de moi le moins du monde, va-t’en, il en est temps encore, je ne te retiens pas. Si tu m’aimes, si tu veux m’obtenir et me posséder, il faut que tu aies en moi une confiance aveugle. Tu peux encore choisir ; ensuite, il sera trop tard, car alors j’exigerai ce qui dépend aujourd’hui de ta libre volonté. Pense bien à tout cela et ne te décide que quand tu y auras bien pensé.

— C’est tout décidé, répondit Zésim, rien au monde ne peut nous séparer. »

Cette fois elle ne lui répondit pas, et ils continuèrent leur route en silence sous la voûte majestueuse du ciel étincelant d’étoiles.