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LA PÊCHEUSE D’AMES.

veau prier et faire pénitence avec nos frères et nos sœurs ?

— J’y ai pensé, répondit l’apôtre, et je t’ai appelée un jour où nous implorons le pardon de nos péchés et où nous chantons les louanges de Dieu. Apprête-toi. On t’appellera quand le moment sera venu. »

Dragomira quitta la salle et trouva dans le vestibule une vieille femme affable qui la conduisit dans une petite chambre et l’engagea à se mettre à son aise. Quelques instants après elle reparut, apportant de quoi manger et boire, ainsi que le vêtement avec lequel Dragomira devait venir devant l’autel.

Quand le jour commença à tomber, on entendit des claquements de fouet et des bruits de grelots. De sombres figures traversaient rapidement la cour ; on marchait sans bruit dans les corridors de la maison. Enfin la vieille femme revint annoncer que tout était prêt.

Dragomira la suivit et entra dans une petite salle où se trouvaient une trentaine d’hommes et de femmes réunis, à genoux et en prière. Le milieu de la paroi principale était occupé par un autel tout simple, au-dessus duquel se dressait le crucifix.

Dragomira resta près de l’entrée, prosternée dans l’attitude du plus profond recueillement, jusqu’à ce que l’apôtre, accompagné de deux beaux jeunes garçons, apparût et montât les marches de l’autel.

Il se tourna alors vers la petite communauté et, dans un langage austère et majestueux, exhorta les fidèles à se repentir, à s’affliger et à faire pénitence. Tous les assistants avaient de longues robes grises serrées par des ceintures de corde. Le prêtre se retourna vers l’autel et commença à chanter un des psaumes de la pénitence ; tous l’accompagnèrent à haute voix. Quelques-uns se frappaient la poitrine avec le poing, d’autres touchaient le plancher avec leur front. Enfin un vieillard d’une vigoureuse structure se leva pour aller s’étendre en forme de croix devant l’autel.

« Vous, mes frères et mes sœurs, s’écria-t-il, et toi, prêtre du Seigneur, aidez-moi à expier mes péchés, sauvez mon âme de Satan, sauvez mon âme de la perdition éternelle ! »

Tous les autres se levèrent aussitôt pendant que l’apôtre descendait les marches de l’autel. Les deux jeunes garçons dépouillèrent les épaules du pénitent ; le prêtre lui mit le pied sur le cou et marcha trois fois sur lui en disant :

« Que le Seigneur me pardonne ainsi qu’à toi et bénisse ton humilité ! »