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XXIII

OÙ ALLONS-NOUS ?

Ô femme, comment te comprendre ?
PAN THADEŒUS.

« Enfin ! » s’écria Zésim, en entrant un soir chez Dragomira, qu’il trouva chez elle. Il jeta son bonnet sur un meuble, s’agenouilla devant elle, tel qu’il était, en manteau et l’épée au côté, et couvrit ses froides mains de baisers brûlants. « Ah ! qu’il y a longtemps que je ne t’ai vue ! Peux-tu bien avoir le courage de me faire tant souffrir ? Où étais-tu ? Quels nouveaux amis as-tu trouvés qui te soient plus chers que moi ? »

Dragomira sourit :

« Je crois qu’il y a bien un jour que nous ne nous sommes vus.

— Trois jours, Dragomira !

— Tu exagères.

— Trois jours, qui m’ont paru trois années, une éternité !

— J’avais une malade à soigner, répondit-elle, et de plus j’avais à rendre la visite que m’avaient faite Mme Oginska et sa fille.

— Tu les connais donc ? Tu vas chez elles ? Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce qu’elles te veulent ?

— Bien, mon ami, et je ne suis pas non plus femme à me prêter à n’importe quoi. Doutes-tu de mon indépendance, de l’énergie de ma volonté ?

— Pas le moins du monde, répondit Zésim, mais je me sens inquiet, je ne sais pas pourquoi. Tu as dû rencontrer Soltyk, là-bas ?

— Sans doute.

— Et quelle impression t’a-t-il produite ?